L’étymologie du terme addiction vient du latin « ad dicere » ou « ad dictus » qui signifie « dit à ». A l’époque romaine, cette expression juridique signifie la mise à disposition contrainte, la mise en esclavage d’une personne endettée, insolvable envers son créancier. Plus tard, le terme a évolué, surtout dans la langue anglaise, pour signifier « être voué à
» ou « s’adonner à », s’agissant avant tout de la consommation de substances psycho-actives.
L’addiction, dans la terminologie médicale actuelle, s’applique plus spécifiquement à une situation qui va au-delà de la simple dépendance et qui est caractérisée par une envie irrépressible de céder à un comportement de quête et d’administration de la substance psycho-active. Cette dépendance est associée à une perte de contrôle, à des tentatives infructueuses d’arrêter malgré les effets néfastes induits par le comportement sur la personne et son entourage.
Comment le cerveau devient-il esclave ou « voué à » une substance ou à un comportement?
Le Prof. Christian Lüscher montre clairement que l’ensemble des substances ou des comportements addictifs ont en commun le fait d’activer la libération de dopamine dans certaines parties du système nerveux central. Il est intéressant de constater que ces mêmes régions sont stimulées lorsqu’un primate obtient une récompense inattendue. Cette libération de dopamine physiologique fournit un signal qui va permettre un apprentissage et modifier le comportement pour obtenir à nouveau la récompense. Substances et comportements addictifs semblent induire une libération excessive de dopamine et on pourrait ainsi dire que ces comportements sont le reflet de mécanismes d’apprentissage qui sont entrés dans une voie d’errance.
Dans son article, le Prof. Jacques Besson cite l’exemple d’une addiction sans substance, celle de la dépendance aux jeux, qui est un exemple du domaine grandissant des addictions liées aux comportements. Dans la même veine, de nombreuses voix dénoncent clairement des addictions à l’usage d’internet et/ou aux jeux vidéo, avec des exemples de personnes décédées, qui en étaient venues à ne plus s’alimenter pour assouvir leur soif de jouer sur un ordinateur.
La compréhension de ces mécanismes et leur description clinique sont essentielles car les comportements addictifs ont un coût énorme, en termes de maladies et de décès bien sûr, mais aussi quant aux conséquences sur l’environnement familial direct, et à celles sur le plan sociétal, notamment par les incapacités de travail.
Certaines questions doivent être encore explorées, en particulier celle de savoir pourquoi seule une fraction des personnes exposées, soit aux substances, soit aux différents comportements cités plus haut, développent une addiction et deviennent des « esclaves ». La génétique et l’environnement ont chacun leur part, qu’il importe de déterminer avec toujours davantage de précision..
Quoi qu’il en soit, des mesures de prévention et de prise de conscience plus générales de l’impact de ces comportements addictifs constituent, aujourd’hui, d’importants enjeux de société.
Editorial
Auteur:
Prof. Peter Vollenweider
Service de médecine interne, Lausanne / CHUV