Vision: quoi de plus précieux ?
Rendre la vue à un aveugle reste de l’ordre du miracle. La perte de la vision, c’est la perte de l’indépendance et, comme le dit notamment une patiente dans ce numéro, un véritable deuil.
Ces pages traitent d’une part des maladies génétiques, si fréquentes en ophtalmologie, causes les plus répandues de perte de vision chez l’enfant ou l’adolescent, et d’autre part de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, raison majeure de nombreux cas d’invalidité dans des populations où l’espérance de vie atteint maintenant plus de 80 ans.
Médecins et chercheurs doivent avoir une vision éclairée des problèmes à résoudre.
L’article du Dr Munier nous révèle l’importance des facteurs génétiques dans le développement d’une tumeur oculaire : le rétinoblastome. Une connaissance de plus en plus étendue de cette maladie génétique favorise une détection précoce et un traitement efficace ; ainsi, progressivement, on peut éviter une intervention mutilante entraînant la perte de l’œil. Ce type de maladies génétiques nous apprend beaucoup, et va encore beaucoup nous apprendre, sur les causes générales de la maladie cancéreuse elle-même, ce qui devrait permettre le développement de nouveaux médicaments et de thérapies géniques dans un futur pas trop éloigné.
Le professeur Zografos, quant à lui, nous rappelle l’approche thérapeutique combinant réhabilitation, développement de nouvelles techniques chirurgicales et prévention par la connaissance des causes. Cette approche multidisciplinaire est susceptible d’améliorer considérablement le pronostic de la malvoyance liée à la dégénérescence maculaire chez la personne âgée. Aussi, l’identification, dans un certain nombre de cas, de facteurs génétiques va nous aider sur la voie de traitements s’adressant à la cause plutôt qu’aux conséquences.
Une bonne vision politique des problèmes de la recherche et de la santé est aussi indispensable.
Le débat sur l’initiative contre le génie génétique l’année passée en Suisse a été très utile : il a mis en évidence les enjeux du développement de la médecine du XXIe siècle. Par son vote clair, la population a soutenu les efforts des chercheurs et des médecins, sans cependant leur donner un blanc-seing. Comme toute activité humaine, la recherche médicale doit être contrôlée par des lois dans un cadre éthique consensuel.
Au fond, la vision de beaucoup de chercheurs aujourd’hui est celle d’optimistes pragmatiques.
Optimistes parce que la recherche et le progrès en médecine accumulent les découvertes à un rythme soutenu.
Pragmatiques, car les aboutissements véritablement neufs de la recherche transgressent par définition les dogmes et bousculent les consciences.
Les chercheurs doivent dès lors être ouverts au dialogue, se laisser questionner, expliquer sans relâche. Si transgression il y a, elle doit pouvoir être élucidée, notamment par le modeste canal de la présente publication ! Les progrès de la médecine et, particulièrement, de la génétique doivent susciter des débats publics. La récente création, décidée par le Conseil fédéral, d’une fondation « Science et Cité » témoigne d’ailleurs de cette nécessité d’améliorer la compréhension entre le chercheur et le citoyen.